Kristina Herlant-Hémar, Christophe Scudéri, Jean-Yves Deshuis, et Claire Galo-Place (harpiste)
En guise d’introduction...
Chers collègues, chers amis,
Il y a un an, pour ainsi dire jour pour jour, nous énoncions dans cette même salle un discours de présentation qui se voulait être le discours fondateur du Collectif Lillois de Psychanalyse.
Par ce texte à trois voix, il s’agissait de déplier l’histoire préfigurant la naissance de l’association, éclairer le désir qui l’a fondée, exposer notre idée d’un « collectif » qui rassemble autour d’un objet commun – la psychanalyse –, détailler ses activités ou encore ses statuts. Mais, surtout, nous souhaitions montrer en quoi le dispositif était original, et non une énième association de psychanalyse, prétexte pour chacun, dans un paysage divisé, de choisir son camp. Plus qu’un simple lieu de mise au travail des concepts et de la pratique psychanalytiques, nous concevions le dispositif lui-même comme un espace d’expérience analytique qui, par effet retour, enseigne sur ce qu’est la psychanalyse aujourd’hui et alimente les débats qu’elle soulève.
Après un an de fonctionnement, nous venons rendre compte des premiers constats et vous remercions d’être présents pour cette rencontre que nous souhaitons réitérer chaque année comme un rendez-vous incontournable dans la vie du Collectif.
L'orientale de Granados (Claire Galo-Place)
L’instant de voir
Hydre à trois têtes, le Collectif Lillois de Psychanalyse est bien campé sur ses deux jambes, que sont les séminaires d’une part et les évènements d’autre part, avec cette particularité des séminaires, leur octroyant une place privilégiée, leur antécédence sur la naissance du Collectif dont ils ont inspiré pour partie le dispositif.
Et avec ces deux gambettes – séminaires / évènements –, on pourrait dire que le Collectif marche plutôt bien.
Si les séminaires sont nos ateliers de fabrication à l’intérieur desquels nous essayons de créer des objets théoriques, des énoncés, des axiomes, des récits cliniques, des résumés qui n’en sont pas, les évènements ponctuels, eux, sont un espace expérimental dans lequel le public et nous sommes engagés, nous instituant producteurs au sens premier de créateurs et au sens second d’organisateurs, le public, lui, faisant partie intégrante de l’évènement.
En quelque sorte, dans les séminaires nous donnons à voir une expérience dont nous exposons les résultats à un public afin d’en débattre tandis que dans les événements nous faisons une expérience dans laquelle le public et nous-mêmes sommes immergés afin ensuite d’en témoigner et de la penser. Je laisserai à Christophe le soin de vous parler des premiers, les séminaires, pour m’attacher aux seconds, les évènements, qui ont jalonné cette année :
Deux ciné-débats – L’homme qui penche de Marie-Violaine Brincard et Olivier Dury sur la vie et l’œuvre du poète Thierry Metz, et The Father de Florian Zeller – ainsi qu’un théâtre-débat, 4.48 Psychose de Sarah Kane par la Compagnie du Refuge au théâtre Ronny Coutteure à Fretin.
Quels sont les liens qui unissent ces trois évènements ?
► D’abord, le fait que la sollicitation émane d’un autre. Pour Thierry Metz, La Grande Distribution a fait appel à nous pour l’unique projection du film dans le Nord ; pour The Father, Le Kino souhaitait poursuivre le partenariat ; pour Sarah Kane, Frédéric Dubled, après avoir assisté à la pièce au festival d’Avignon, a imaginé un projet avec le Collectif. On pourrait ajouter l’exposition à venir sur l’œuvre de la photographe Vivian Maier, initié par Camille de Billy.
Que le désir d’un autre soit à l’origine de ces projets, faisant nôtre ce désir dans un second temps pour aboutir à un évènement co-construit, une production véritablement collective signée du Collectif Lillois de Psychanalyse, répond à ce que nous voulons mettre en œuvre avec le groupe Agalma.
Rappelons le rôle de passeur de l’Agalma dont l’un des membres est choisi à chaque demande adressée au Collectif, pour accompagner celui qui le sollicite à partir d’une idée, un désir qu’il souhaite mettre au travail dans le cadre du Collectif. Concrètement, le passeur permet au demandeur d’affiner son idée, d’élaborer son projet puis de réaliser l’évènement ainsi imaginé, mais aussi et peut-être surtout, il est celui qui permet de transformer le désir du demandeur en un désir de travail prenant la forme d’une contribution au Collectif. Dans l’intervalle, le passeur se transforme aussi puisqu’il ne se cantonne pas à un rôle d’accompagnateur mais devient acteur du projet en y travaillant activement et en le co-construisant avec le demandeur. Il s’agit d’une passe au sens lacanien du terme dans la mesure où l’enjeu est de faire passer le désir d’un seul au désir d’un collectif, le bon mot d’un sujet en un bon mot collégial. De là à y voir l’équivalent du passage de l’analysant à l’analyste, c’est l’une des questions que nous souhaiterions examiner le moment venu.
► Le second lien entre les évènements est leur structure. La « représentation » exige trois ingrédients au moins : l’objet (cinéma, théâtre), le débat et l’accueil.
Si, sur la forme, le Collectif ne se différencie pas de ce qui se fait déjà en termes de « ciné-débat », il s’en démarque par son travail préparatoire approfondi : lecture de l’œuvre – de Thierry Metz, de Florian Zeller, de Sarah Kane – mais aussi, pour Thierry Metz, discussion en amont avec les réalisateurs, pour Sarah Kane, travail préliminaire avec la troupe de théâtre. Notre intervention tente d’aller au-delà d’un débat classique organisé par des psys dans la mesure où nous ne nous limitons pas à une lecture psychopathologique mais où nous cherchons à introduire auprès du public des œuvres peu connues voire ardues comme celle de Thierry Metz en présentant leur vie, leur travail, leur parcours, et en essayant d’être au plus près des textes afin d’en partager la singularité, oserions-nous dire la vérité. Autrement dit, il s’agit de préparer très sérieusement les débats pour pouvoir en élargir les termes (et les thèmes) et toucher quelque chose comme le noyau de l’œuvre. Préparation en amont donc, mais aussi réflexion d’après-coup, dont témoignent les textes publiés par la suite sur le blog de notre site internet, textes qui ne sont pas que des ajouts secondaires mais font partie intégrante de l’évènement, ceux-ci constituant l’espace où se regroupent le travail préparatoire, le témoignage de l’évènement et les effets d’après-coup.
Reste que ces ciné-débats ne réalisent pas pleinement notre ambition qui n’est ici qu’en germe, cet inachèvement tenant à la dimension de l’accueil, et pas seulement à cause du manque de place pour les jambes, des aléas du chauffage ou de la localisation en impasse au fond d’un couloir glauque de locaux universitaires défraîchis, de la salle du Kino. Car si ces conditions de confort jouent incontestablement, notre définition de l’accueil ne s’arrête pas là. Par « accueil », nous entendons à la fois l’accueil de l’autre avant la représentation, l’accueil de la parole jusque dans ses silences à travers lesquels des éprouvés peuvent se dire sans se dire, l’accueil de commentaires sur le vif, dans l’immédiat de l’expérience proposée. Mais aussi et surtout, il s’agit d’accueillir l’imprévisible, la surprise, les formations de l’inconscient, les éruptions, les éléments transférentiels, pour en faire des objets d’analyse dans l’après-coup.
En cela, le théâtre-débat s’est révélé comme la quintessence de notre projet qui a trouvé, durant ces deux jours de représentation, son plein accomplissement.
Ainsi, dépasser les formes habituelles – théâtre-débat / ciné-débat – ne signifie pas seulement bien les préparer en amont, mais subvertir le cadre-même du genre en le poussant jusqu’à son paroxysme afin de l’outre-passer, de passer outre et ainsi produire des évènements hybrides ou hybridés, non simplement deux termes accolés (ciné + débat) mais une forme qui dépasse la somme des parties, proposant quelque chose de plus. C’est cela qui fait évènement au sens foucaldien d’une irruption d’une singularité non nécessaire c’est-à-dire qui excède tout programme.
Pour le théâtre-débat, le texte qui en a résulté matérialise cela, en proposant une forme mixte entre l’essai (il s’est agi – au-delà de conceptualiser sur l’œuvre de Sarah Kane, la pièce, et leurs rapports – d’analyser en quoi ce week-end relevait en lui-même d’une expérience analytique), le témoignage et le reportage photos. En créant ainsi une forme nouvelle, innovante, le Collectif met en acte son lien avec l’art entendu comme Dehors, là aussi au sens de Foucault, c’est-à-dire d’une mise entre parenthèse de l’espace intime au profit de l’être du langage.
► Troisième lien entre les évènements : la thématique générale de l’effondrement.
Effondrement mélancolique pour Thierry Metz, effondrement démentiel pour The Father, effondrement psychotique pour Sarah Kane.
Un triple effondrement, mais qui dans chaque cas donne lieu à écriture : écriture d’une œuvre poétique, écriture d’un film, écriture d’une pièce de théâtre.
Si, à chaque fois, l’écriture a pour fonction de soutenir, de contrecarrer l’effondrement, cette écriture représente aussi le lieu-même de l’effondrement :
- Thierry Metz qui, dans la dernière partie de son œuvre, s’absente de plus en plus jusqu’à devenir un spectre derrière les visages des malades de l’hôpital psychiatrique de Cadillac, l’horizon qui se referme entre les murs, la quête esthétique s’étiolant au profit de descriptions factuelles dans lesquelles se dissout l’homme Thierry Metz, déjà disparu.
- Dans le découpage et la symbolique du film The Father, les scènes dont les unités de temps et de lieu s’emmêlent, l’identité des personnages qui se superpose, le décor mouvant dans lequel les objets se volatilisent.
- Sarah Kane, enfin, qui nous livre de la manière la plus crue le récit de sa désintégration avant sa disparition.
Plus encore qu’un effondrement, nous assistons à chaque fois à la disparition d’un homme ou d’une femme, à la dissolution d’un visage derrière une œuvre de laquelle il ou elle s’absente tout y en étant présent comme absence, comme trou noir, comme mystère.
Voici trois aspects – le désir de l’autre à l’origine du projet, la triple structure (objet-débat-accueil) et la thématique de l’effondrement – qui font lien entre les évènements proposés, trois liens auxquels pourrait s’ajouter un « plus un » : l’argent, interrogeant plus largement le rapport entre psychanalyse et commerce, mis en lumière par le théâtre-débat.
Si nous avions délégué à Frédéric Dubled, en sa qualité de producteur de spectacles, les enjeux financiers, pour en être délestés, pour ne pas être pris dans une démarche commerciale, il n’en reste pas moins que nous étions conscients du risque financier qu’il prenait et qui nous empêchait, en fin de compte, de faire totalement « comme si ». Et ce d’autant qu’est apparu assez vite que le public sensible à ce type de proposition était la communauté psy, en l’occurrence notre réseau, qu’il fallait solliciter, et, de surcroît, avec une certaine insistance pour passer d’un intérêt sincère à un acte, celui de se rendre disponible et d’acheter sa place.
Au-delà de la crainte d’une perte financière substantielle, entrait également en jeu notre engagement moral auprès de la troupe, qu’elle ne se produise pas devant une salle quasi vide, sans parler du débat dont l’existence-même implique un nombre minimal de participants, bref, l’évènement tout entier se voyait mis à mal par le faible nombre de réservations et le spectre de l’annulation, à une semaine de l’évènement, planait sur la séance du dimanche (avant d’être finalement un succès !).
Mais comment supporter l’inconciliable : démarchage / démarche analytique ? Comment, à l’extrême, ne pas « abuser » du transfert à des fins commerciales ? Cette position nous a été très inconfortable et nous a interrogés, et ce d’autant plus que ces questions se posent en pratique dans la cure : Comment faire cohabiter les enjeux d’existence de l’analyste avec le paiement de l’analysant ? Où se situe la frontière entre user et abuser du transfert ? En quoi le désir de l’analyste vient-il prescrire ou tout au moins orienter celui de l’analysant ?
Pour le théâtre-débat, il s’agissait sans doute d’user du lien transférentiel qui nous lie à tel ou tel, et précisément au regard de ce lien, penser que cette proposition puisse l’intéresser, inter-esse, au sens de le toucher dans son être. En cela, solliciter quelqu’un pour qu’il vienne (et non simplement en diffusant une information à une liste de personnes), c’est dire notre conviction que cela le concerne, et sans doute au-delà même de ce qu’il imagine. C’est en cela qu’il nous a semblé pouvoir parler de démarche analytique et non de démarche commerciale.
La rencontre d’aujourd’hui s’inscrit dans notre série, à ce jour comme son dernier évènement.
L’idée d’instaurer une réunion annuelle est née dans la suite de la réunion de présentation, cette matinée automnale lumineuse, inondée de soleil certes mais surtout empreinte du plaisir d’être ensemble, enivrés soudain par l’envie d’aller plus loin, le rendez-vous d’aujourd’hui s’instituant dès lors comme le point d’étape d’un work in progress collectif. Mais pour que la rencontre de ce jour ait du sens, encore fallait-il que nous vous prêtions le désir de venir et de savoir là où le Collectif en est, dont le gage s’avère être votre présence nombreuse aujourd’hui. Nous ne nous étions pas trompés (ouf).
Mais quelle forme peut prendre une rencontre qui cherche à répondre à une demande qui, d’être supposée, est sans contenu véritable ? Voilà la question que nous nous sommes posés en préparant cette matinée. Eh bien, en mettant en scène un évènement qui fasse signature, car c’est bien dans la clôture de la série qu’apparaît la signature, c’est-à-dire à la fois un style et un alliage, entremêlement entre un discours analytique et une performance artistique qui cette fois prend la forme de fragments de musique classique joués à la harpe.
Textes et musique mêlés, voix et mélodies croisées, mots scandés par les silences, notes échappées sur des cordes pincées qui sonnent à vide.
L’espoir que se produisent des résonances, des effets d’écho ou de heurts desquels naîtra un évènement singulier.
Que sourde chez chacun un élan, celui de s’y coller. Et que cet élan individuel et collectif nous sorte du marasme, de la morosité ambiante pour ouvrir à un avenir possible non encore écrit, une ligne de fuite, un horizon.
Car, si l’on en croit le faire-part rédigé il y a cent-quarante ans déjà, savoir qui n’a de gai que la prétention, par un certain Friedrich Nietzche : Dieu est mort. Mais, en cette année 1882, aurait-il pu ajouter : Dieu est mort et enterré, et vite remplacé. Car à l’époque et depuis un moment déjà, avec la révolution industrielle, la suspicion planait sur le secours divin : le salut viendrait de l’action de l’homme, le bonheur ne tombant pas du ciel. Et c’était reparti pour un tour, une lune de miel de cent ans, mais voilà, le monde déjà orphelin se vit alors frappé par ce qu’en 1979 dans La condition postmoderne Lyotard nomme la « fin des grands récits », soit l’éclatement d’un discours unitaire et universel au service du progrès – social, intellectuel, artistique –, transcendant les individualités en offrant un but commun, un destin collectif, un idéal partagé. Ainsi, après la mort de Dieu, c’est la mort du Progrès, celui qui faisait miroiter que la science, la démocratie, la culture, tout ce qui relève de la civilisation, fraieraient une autoroute trois voies vers un monde meilleur. Finis les grands récits collectifs qui donnent un sens (une signification et une orientation) à une communauté d’hommes visant à améliorer les conditions sociales et économiques de chacun, travaillant pour tous, le bonheur en ligne de mire. Nouvelle désillusion, bonjour l’aire postmoderne.
Alors comme le disait Zarathoustra, le même finit toujours par faire retour, et aujourd’hui c’est le retour de Dieu, dans sa version la plus orthodoxe voire extrémiste, le retour de l’idée de Nation, dans sa version sacralisée, le retour du Peuple, dans sa version populiste. Mais de l’universalité il ne reste que des cendres, l’énergie commune s’est mue en une bataille des communautés : religieux contre athées, nationalistes contre antipatriotistes, psychanalystes contre cognitivo-comportementalistes… Soit des tentatives de restaurer une transcendance, mais au détriment d’un autre, le camp d’en face, l’ennemi à combattre. En lieu et place de l’Autre, nous avons désormais la concurrence des idoles.
Idoles qui, en dépit de leurs éclats kitch aveuglants, peinent aujourd’hui à masquer le trou béant de l’effondrement – celui qui répond au spectre de la décivilisation, de la catastrophe climatique, de l’anéantissement nucléaire –, l’apocalypse, l’Armageddon, la mort de l’humanité. Plus grave que la guerre entre la psychanalyse et les TCC, il y a l’auto effondrement de la psychanalyse, qui n’a plus besoin d’ennemi pour se faire hara-kiri, plus besoin d’autre contre lequel butter, elle se suicide très bien toute seule.
Mais quel rapport avec votre venue ici ?
En préparant la rencontre d’aujourd’hui, nous supposions qu’il y avait une demande. Supposer à l’Autre une demande, c’est poser a priori qu’il y a un Autre, et ainsi lutter contre la mort de Dieu. Car cet Autre est créé par la demande-même qu’on lui suppose et en essayant de répondre à cette demande supposée, nous nous unissons en un élan collectif. Mais à la différence de tout récit idéologique où à la prise de conscience s’ensuit la création d’une utopie, ici il s’agit de créer une utopie sans utopie ou, comme le dit Derrida, une messianicité sans messianisme, c’est-à-dire une promesse sans dogme : créer un élan dans un monde de marasme, un espoir sans contenu, pariant sur le fait qu’injecter de l’élan suffise à nous mettre tous en marche, à nous mettre au travail et à inventer, selon une modalité singulière, en partie liée à notre désir à tous les trois de l’alimenter, mais pour partie seulement, car il en va aussi du désir de tous. Quant au contenu, charge à chacun de voir ce qu’il en est pour lui ; pas d’utopie, pas de grands récits.
Parce que le monde va mal, l’enjeu est de ne pas sombrer dans la mélancolie, mais aussi de sortir de l’impuissance, en nous ranimant collectivement, en insufflant du désir, de la vie, une promesse.
Nocturne de Clara Schumann (Claire Galo-Place)
Le temps pour comprendre
Que nous disent les séminaires du Collectif Lillois de psychanalyse ? Et que nous disent-ils de la psychanalyse et, particulièrement, de la psychanalyse aujourd’hui ? Voilà les questions pour lesquelles je souhaite amorcer une réponse.
Comme l’a avancé Kristina, nous utilisons les séminaires comme des ateliers de création dans lesquels nous expérimentons de nouvelles recettes avec l’espoir de découvrir de nouvelles saveurs, de nouveaux assemblages, de nouveaux plats. Mais pour saisir de quoi il en retourne, il faut lier ces séminaires aux événements car c’est dans leur mise en rapport que l’un comme l’autre prennent leur sens plein et entier et qu’apparaît la fonction qu’ils assument et assurent au sein de notre collectif.
Quelles sont les caractéristiques des séminaires par opposition aux événements ? Il y en a trois au moins : les premiers sont fermés au sens où une demande préalable d’inscription est exigée avec ce qu’elle implique d’un refus toujours possible tandis que les seconds sont ouverts puisqu’il suffit de se présenter le jour dit au lieu dit, sans autre sélection que le montant de la place à payer, pour y accéder. De même, tandis que les premiers traitent directement de la question analytique dans ses développements théoriques, cliniques, méthodologiques et politiques, les deuxièmes traitent indirectement de la psychanalyse puisqu’il s’agit à chaque fois de présenter, d’abord, une œuvre artistique, qu’elle soit cinématographique ou théâtrale, pour, ensuite, la commenter en s’appuyant sur la pensée psychanalytique. Mais la principale différence, et sans doute cela va vous surprendre car a priori c’est un élément auquel on ne pense pas spontanément, concerne la position qu’adoptent les animateurs dans l’une et l’autre de ces activités, à savoir la position d’analysant au sein des séminaires et la position d’analyste au sein des événements. En effet que font-ils dans les séminaires sinon parler à la première personne des thèmes qui les intéressent si bien qu’ils se permettent toutes le digressions et toutes les embardées, guidés par leur seul bon vouloir et ignorant superbement les attentes supposées du public. Et à qui s’adressent-ils sinon à un Autre incarné par le groupe des participants, dont ils cherchent fébrilement à connaître la pensée et le sentiment, mais dont ils reçoivent en retour le silence énigmatique seulement brisé par quelques paroles immanquablement déceptives car toujours un peu à côté et jamais à la hauteur de leurs attentes. Pour preuve encore, la forme que prennent les discours tenus à chaque séance avec le rôle joué à leur entame par le « résumé » qui de répondre à la nécessité pédagogique exigée par tout bon enseignement n’en est pas moins une façon d’introduire la répétition mais pas n’importe quelle répétition ! Une répétition doublement entaillée de l’approfondissement d’un point laissé en plan lors de la séance précédente et de l’exposition d’un fait nouveau dont l’incontournable évocation a surgi dans l’après-coup de la séance ; avec, vu du ciel, une masse de mots et de phrases traversée par le double mouvement paradoxal d’un retour en arrière avec remontée vers une origine toujours reportée plus loin et d’anticipation d’un avenir toujours annoncé dont l’horizon est sans cesse repoussé à plus tard. Soit : rien d’autre que l’élan typique du discours que l’analysant murmure, à moins qu’il le déclame si tant est qu’il ne le profère pas, confectionné de stases agglomérés, de ressassements consternés et de « tourner en rond », entrecoupés de surgissements impromptus d’un passé fragmenté et de fulgurances inouïes d’un futur à construire. Mais l’énumération ne serait pas complète si on n’y incluait pas les circonstances matérielles, en l’occurrence le déclenchement d’une alarme imposée par le local loué, enjoignant que le séminaire éteigne ses feux à 22h pétante, avec pour effet, la hâte avec laquelle les animateurs discourent et la précipitation avec laquelle ils bouclent leur propos. Récapitulons : une bonne dose de désir, une rasade d’association libre, un mix de répétition et d’Autre silencieux, une pincée de phrases énigmatiques, une portion d’autre déceptif, le tout monter en neige grâce à la hâte, voilà ici détaillée la recette d’une parole analysante. Mais que dire alors des événements ?
Distinguons au préalable, histoire de bien circonscrire l’objet, le rôle que vient à jouer le Collectif à travers l’Agalma auprès de celui ou celle qui le sollicite autour d’une idée ou d’un projet à l’état balbutiant, de celui qu’il assume auprès d’un public qu’il convie à un événement qu’il a lui-même produit. Si nous laissons le premier de côté pour nous consacrer au second, nous pouvons éclairer le rôle endossé par le Collectif à partir de cette situation paradigmatique évoquée par Kristina, d’une invitation adressée par l’un des membres du collectif à un spectateur potentiel avec cette formule : « ça devrait t’intéresser ». Que nous dit cette séquence ? Avec ce « ça devrait t’intéresser », l’invitant pointe à l’invité un objet désigné comme désirable en tant que cet objet n’est pas n’importe quel objet puisqu’il l’intéresse au premier chef, il l’intéresse dans son être. Or, il ne peut l’affirmer que depuis l’arrière-fond d’un savoir qui lui est supposé par l’invité, savoir qui porte, justement, sur le désir énigmatique de ce dernier, celui-là même qui lui échappe et après lequel il court tel un furet, tout cela s’inscrivant depuis l’égide, non de l’invitant mais de l’entité plus vaste qu’est le Collectif, étant entendu que c’est au nom du Collectif que l’invitation est lancée. On retrouve ainsi — en tout cas ceux qui participent au séminaire y reconnaîtrons sa structure — les composants que nous attribuons au Transfert en tant qu’il est transfert à l’objet a, au Sujet-Supposé-Savoir et au Nom auxquels nous ajoutons un supplément d’un devenir symptôme sous la forme d’un désir d’y revenir encore et encore dans ces événements proposés par le Collectif Lillois de Psychanalyse. La séquence se comporte comme si l’événement donnait lieu à une interprétation mais une interprétation étendue à la surface d’une œuvre dont l’invité ne cesse ensuite de scruter le sens et ce, pour son propre compte. Quant aux membres du Collectif, mis à cette place et rivés à ce rôle d’analyste, ils ont l’obligation d’être digne de la fonction, autre manière de dire qu’il s’agit pour eux d’avoir de la tenue au sens, certes, vestimentaire et comportemental du terme mais aussi et surtout de tenir quelque chose de la psychanalyse, et c’est bien à cette exigence à laquelle ils s’astreignent lorsqu’ils produisent ces événements.
Finalement, à quoi assiste-t-on au sein du Collectif Lillois de Psychanalyse ? En un mot : à une passe. En effet, par l’intermédiaire des séminaires et des événements publics, les membres du Collectif ne cessent de transiter de la position d’analysant à celle d’analyste, expérimentant par là-même le passage qui a tout de la métamorphose et qui est à ce point mystérieux que Lacan a imaginé le dispositif de « la passe » pour en rendre raison. Le Collectif Lillois de Psychanalyse se présente ainsi comme une passe mais élevée à la dimension de l’association. Il n’est que passe et rien que passe. C’est à cet endroit qu’il prend ses distances avec l’« association de plus » pour devenir un dispositif novateur prenant en charge la grande question institutionnelle sur laquelle les psychanalystes butent et se déchirent depuis qu’elle a été proposé par Lacan en 1967. Ceci mérite un travail en soi mais, pour en dire quelques mots, si la passe a pour but d’éclairer dans l’après-coup l’acte sans sujet par lequel l’analysant devient analyste, le Collectif Lillois de Psychanalyse est un acte pluriel agi dans une totale inconscience — nous ne savions pas ce que nous faisions quand nous l’avons créé à part que nous savions ce dont nous ne voulions pas — dont nous ne cessons de mesurer les incidences et la portée en en témoignant devant vous, mais pas uniquement, en en faisant un outil de pensée, manière de sortir de l’écueil de la passe, comme s’il suffisait qu’un seul témoigne de sa cure pour que naisse du savoir pour tous.
Mais qu’en est-il des participants ? Si les membres du Collectif passent de l’analysant à l’analyste qu’en est-il pour ceux qui, sans les animer ni les organiser, participent de ces séminaires et événements ? De l’assertion selon laquelle les animateurs occupent la position d’analysant au sein des séminaires doit-on déduire que les participants à ces mêmes séminaires sont en position d’analyste ? Et bien non. Si ces derniers viennent à incarner l’Autre, ils ne sont pas pour autant l’Analyste car c’est au groupe en tant qu’ensemble auquel s’adressent les animateurs, si bien que, dès l’instant où l’un de ses éléments vient à prendre la parole, à reprendre corps et visage humain, il chute, apparaissant pour ce qu’il est aux yeux des animateurs, une personne dont la parole paraît en-deçà de celle escomptée, peinant à incarner ce qui est plus grand que lui et qui est l’Autre. Faut-il encore que cet Autre, abstrait en toute logique, prenne consistance à travers la somme des corps composant le groupe sans l’aide de quoi aucun phénomène ne peut advenir même en germe. Pour le dire d’une formule marxiste sortie tout droit du Capital, l’Autre est ici une « chose sensible-suprasensible ». Phénomène dont on peut tirer enseignement pour la cure, indiquant que chaque fois où l’analyste vient à prendre la parole, il déchoie du site de l’Autre (le grand Autre) et échoue sur la plage de l’autre (le petit autre), n’incarnant plus ce « plus grand que lui » auquel il donne substance par sa seule présence mais redevenant une personne humaine, bêtement humaine.
Si collectivement ils sont en position d’analystes, individuellement les participants ne le sont pas. Mais dès lors quelle place occupent-ils dans le dispositif ? Question qui, à condition de la transformer d’un quart de tour, devient : qu’est-ce qui les attirent au point d’être fidèles aux rendez-vous des séminaires ? Le mystère est total ! En tout cas il le serait si nous n’avions rien à nous mettre sous la dent. Or, ils parlent, mais pas à n’importe quel moment, ils parlent en aparté. Et que disent-ils ? Qu’ils sont convaincus que les animateurs savent ce qu’ils disent, ce qu’ils font et où ils vont ; qu’elle est bien mystérieuse cette façon de travailler à trois si bien qu’ils voudraient bien savoir, si ce n’est voir, le secret de la fabrication ; que oui et re-oui « ça leur parle » ; et qu’ils sortent frustrés d’une séance bien trop tôt achevée et d’un propos bien trop incomplet à tel point qu’ils n’ont qu’une envie, revenir pour en connaître la suite. Omniscience, scène primitive, inconscient et désir ; Sujet-Supposé-Savoir, Fantasme, Nomination et Symptôme. Transfert, toujours le transfert ! Est-ce à dire que les animateurs ou plutôt le Collectif Lillois de Psychanalyse fait fonction d’Analyste pour chaque participant pris individuellement ? Que nenni ! Que je sache, pas de discours à la première personne, pas d’association d’idée, pas d’Autre silencieux et encore moins déceptif, pas de sentiment de hâte chez l’auditeur mais tout au contraire l’envie de prendre son temps. Comme dit le grand philosophe Georges « Nespresso » Clooney, what else ? Le fait est que, si « ça leur parle » de « ça » ils ne disent rien. Mais quoi de plus normal car de cela ils ont à dire mais ailleurs que dans le Collectif. Reste qu’en attendant, ça travaille, et le Collectif n’y est pas pour rien.
Nous avons désormais notre réponse. Lorsqu’une personne vient à fréquenter le séminaire elle passe sans le savoir tout en le sachant du transfert à un transfert de travail. Par transfert de travail, il faut entendre un « se mettre au travail » qui dit, certes, se mettre au travail de la lecture, de la pensée et de l’écriture mais aussi, et tout autant, se mettre au travail de son inconscient dont les rejetons tambourinent à la porte de nos oreilles.
Nous sommes d’autant plus convaincus que cette description tombe juste, qu’elle s’applique parfaitement aux producteurs des événements qui, de la même manière qu’ils donnent corps sans l’être à l’Autre auquel s’adresse le spectateur, transforment par ce biais leur transfert en un transfert de travail. Voyons plutôt : que font-ils ? Ils lisent des œuvres dont ils restituent ensuite l’analyse qu’ils en ont faite au cours d’un débat public avant de conclure la séquence par un écrit publié sur le blog. Que tentent-ils ? Ils essayent de penser le dispositif qu’ils ont mis sur pied en tirant les conséquences de leur acte en en faisant la théorie. Et que dégagent-ils à leur insu ? Leur désir d’analyse ainsi que quelques obsessions. Au hasard : la mélancolie, le suicide, l’effondrement et la disparition, démontrant ainsi que l’inconscient ex-iste. Oui, pas de doute, ça travaille et ça travaille dur ! Tout se passe comme si, dans le même temps et le même mouvement, les participants du séminaire comme les producteurs des événements expérimentaient le passage de l’amour de savoir au désir de savoir, de l’Autre qui sait à l’Autre barré, du savoir de l’inconscient au non-savoir, de l’Analyste payé rubis sur ongle au Tous payeurs, du travail de transfert au transfert de travail. Mais là où, habituellement, les deux temps sont nettement démarqués grâce à la distribution des tâches entre la cure d’un côté et les cartels de l’autre, ils sont ici noués au sein du Collectif et par le Collectif qui, dès lors, fait fonction de nœud et de sinthome.
De la position d’analysant à la position d’analyste, du travail de transfert au transfert de travail, le Collectif Lillois de Psychanalyse est le lieu où ça passe et où ça se passe. Enseignement et Expérience.
Je conclus. Enfin non pas tout de suite car vous pourriez me faire une objection. Vous pourriez m’objecter que l’analysant dont je parle à propos des séminaires, en tout cas celui que nous animons Kristina, Jean-Yves et moi, est une personne bien curieuse puisqu’il a trois têtes, qu’à ce titre il est plus proche de l’hydre que de l’individu, et en cela vous auriez raison. Quel analyste a-t-il déjà reçu sur son divan une hydre ? Mais à cette objection, je pourrais répondre par une invitation, l’invitation à penser les choses autrement. Petit rappel historique : l’une des grandes controverses qui a agité le landernau psychanalytique et plus largement la scène intellectuelle française, a vu s’opposer sur le ring, à ma droite, Lacan, 1,73 m de hargne et de fureur, à ma gauche, Deleuze et Guattari, 150 kg sur la balance, un mix de pugnacité et de filouterie. L’objet du litige ? Un uppercut assené par notre duo d’intrépides sur la tranche droite de la mâchoire de notre glorieux psychanalyste. Le nom de ce coup tordu : « L’anti-Œdipe », ouvrage de schizo-analyse publié en 1972. Dans ce livre, nos effrontés dénoncent l’antienne qui, depuis Freud jusqu’à nos jours, a cours au sein de la psychanalyse, celle de l’Œdipe, du phallus et de la castration qui, à les entendre, écrasent les singularités irréductibles (les « heccéités » comme ils disent), sur des formes préexistantes, générales et abstraites, sur des représentations qui ont valeur de jugement, tel l’Œdipe. A l’Inconscient pensé comme un théâtre ils préfèrent toujours l’inconscient appréhendé comme une usine. Et tout est à l’avenant : le désir n’est pas manque mais il est machinique, à savoir machine et production ; et le sujet n’est plus le « je » d’un dire, celui de l’énonciation, oh non ! mais le reste de l’opération.
Mais qu’est-ce que tout ceci a à voir avec nous, nous direz-vous ? Le désir n’est pas désir d’Un mais agencement d’un multiple, lancent à la volée Deleuze et Guattari. Le discours que nous tenons en tant qu’analysant est le discours que nous tenons en tant qu’agencement c’est-à-dire en tant que multiplicité de singularités matérielles qui, en se connectant, ouvrent des axes de déterritorialisation, grâce auxquelles du neuf peut se produire entre nous, grâce auxquelles nous entrons, délestés que nous sommes de nos qualités et de nos identités, dans des devenirs imperceptibles qui frayent des lignes de fuite comme autant de possibles inouïs, grâce auxquelles nous transmutons et, peut-être, vous avec nous.
Le Collectif Lillois de Psychanalyse est ainsi l’espace où s’expérimente de nouvelles formes désirantes. Que faisons-nous ce matin sinon, depuis l’agencement que nous composons ici et maintenant, nous trois certes mais aussi nous quatre, avec Claire, mais aussi nous tous, avec chacun d’entre vous, depuis cet agencement tellement singulier qu’il en est unique de ne plus jamais se répéter car ça nous le savons déjà, que faisons-nous sinon produire du désir, du désir à s’y mettre et à s’y coller à la transformation de la psychanalyse, du désir qui ne se fonde plus sur le manque et l’insatisfaction mais sur un flux, une puissance et une intensité. De ce désir vous n’aviez aucune idée ce matin lorsque vous avez franchi cette porte, pour la bonne et simple raison qu’il n’existait pas, et si tout à l’heure, quand nous en aurons terminé, vous repartez requinqués mus par l’envie d’en découdre et de recoudre autrement le tissu de la vie, alors vous saurez, vous saurez que ce désir nouveau a jailli de cette machinerie si précaire et pourtant si vigoureuse qu’aura été cette rencontre collectivement agencée. De cette expérience en acte sortira-t-il une psychanalyse réinventée ?
Je conclus. Vous pourriez nous dire : quelle ambition ! Vous pourriez nous lancer : quelle prétention ! Cette théorie, cette analyse, ce discours, est-ce bien sérieux ? Vous vous amusez là ? Et vous auriez raison : oui nous nous amusons et nous le revendiquons ! Le monde est suffisamment sombre et déprimant, suffisamment noir et inquiétant, l’Apocalypse nous est promise, pour que nous n’en rajoutions pas. Le Collectif Lillois de Psychanalyse est né d’abord de l’envie de quelques-uns de partager des moments de plaisir et de joie. Dès lors, il pourrait apparaître comme une blague et nous ses fondateurs des fumistes. Et pourquoi pas ? Mais alors des fumistes prenant très au sérieux leur blague car ils savent très bien que de ce sérieux dépend toute action qui se veut un tantinet… subversive.
Variations sur un thème de Paganini, de Michedolov (Claire Galo-Place)
Le moment de conclure
Kristina soulignait tout à l'heure l'insistance du thème de l'effondrement qui, sans que nous l'ayons prévu, encore moins voulu, s'avérait dans l'après-coup servir de fil rouge aux trois événements de l'année dernière. Naturellement, sans doute amusés mais peut-être un peu inquiets, nous nous sommes interrogés sur le sens de cette répétition. Que cherche donc à nous dire cet effondrement qui insiste ? De quoi est-il le nom ?
Cette répétition n'est pas due au hasard, et ce n'est pas non plus tout à fait par hasard que ce soit à un Collectif de Psychanalyse que ces histoires d'effondrement, de disparition progressive du sujet, aient été adressées. Cette question – pourquoi à nous ? - nous ne pouvons pas l'éluder. Nous y entendons un appel, une invitation à analyser les signes de l'effondrement ; nous y entendons également résonner comme un écho crépusculaire l'état de la plupart des associations de psychanalyse aujourd'hui. Ainsi ces événements, nous ne les avons pas programmés, ce n'est pas nous qui étions à leur origine, mais si leur dénominateur commun – la hantise de l'effondrement – touche juste, c'est qu'elle parle de chacun de nous personnellement, comme elle parle du microcosme psychanalytique aussi bien que du Dehors dont elle provient, du monde ambiant ou de l'air du temps, de cet environnement désormais global et mondialisé dans lequel bon gré mal gré, tout ce qui existe est tenu de s'insérer.
C'est du Dehors que nous parvient cette insistance quant à l'effondrement. Ce qu'elle évoque, ce sont les fantasmes de fin du monde que suscite la situation actuelle. Les motifs, chacun les connaît ; contentons-nous d'y faire allusion. La guerre de nouveau présente en Europe – une guerre qui cette fois nous concerne, dont nous ne parvenons pas à faire abstraction, comme nous le pouvions encore, à la fin du millénaire précédent, pour les guerres de l'ex-Yougoslavie, pourtant tout aussi proches géographiquement. La montée des populismes – terme qui déjà domine notre vocabulaire politique, actuel signifiant majeur qui vient brouiller les traits du visage des partis d'extrême-droite – et dont on ne sait s'ils seront la cause ou le corollaire d'une possible implosion des régimes démocratiques, à bout de souffle partout dans le monde, pas seulement dans la vieille Europe mais aussi dans le Nouveau Monde, dans cette Amérique où Tocqueville était allé observer en naturaliste politique le fonctionnement originel des mœurs démocratiques. Enfin, last but not least, la catastrophe écologique scientifiquement annoncée, dont l’occurrence de moins en moins lointaine draine avec elle des visions d'apocalypse, et nous confronte sur un mode tragique à l’obscénité de notre impuissance collective.
Ces coordonnées qui dessinent les lignes de force de la « situation actuelle » ne concernent pas au premier chef l'analyste. S'il se sent concerné par elles, c'est en tant qu'homme et citoyen. En tant qu'analyste, il a affaire à elles dans la mesure où elles impactent le matériel clinique, ni plus ni moins que tous les autres facteurs qui du Dehors pénètrent la clôture du cabinet à travers la parole des patients.
Mais ce qui fait peut-être sourdement effraction dans les cabinets des psychanalystes, c'est la menace d'un monde qui aurait surmonté l'effondrement, mais dont la psychanalyse aurait disparu, victime des transformations qui lui font le monde toujours plus hostile – hostile jusqu'à l'indifférence – et de sa propre impuissance à se ré-inventer au contact du Dehors.
C'est pourquoi sans doute certains analystes n'hésitent pas à tenir des propos qui confortent ces fantasmes d'effondrement, en les orientant exclusivement sur le Dehors. C'est en qualité d'analystes qu'ils s'instituent prophètes ou moralistes, annonçant la fin de notre civilisation. Non seulement certains appliquent à la réalité actuelle le diagnostic – si récurrent dans l'histoire – de décadence, mais ils prédisent pour notre société la régression pure et simple à l'animalité. La cause la plus récente de cette humeur de Cassandre, c'est essentiellement le phénomène de la trans-identité.
Schématiquement, on peut réduire à deux les critères qui permettent de distinguer les sociétés modernes des sociétés traditionnelles. Les sociétés traditionnelles sont tournées vers le passé, le principe de leur fonctionnement est de réactualiser le plus fidèlement possible l'ordre social originaire, ordre mythique, sacralisé, reçu des dieux. Cet ordre est jugé intangible, et tout écart par rapport à lui est vécu comme un danger et une profanation. En même temps, ces sociétés sont holistiques : l'individu n'a pas d'existence ni de valeur ontologique en-dehors du groupe dans lequel il est inscrit par sa naissance ; c'est le groupe qui lui assigne toutes les facettes de son identité. A l'inverse, la société moderne est tournée vers le futur, ce qui la fait bouger c'est la logique d'un progrès incessant, infini, sans terme assignable. En même temps, cette société est individualiste. L'individu est investi d'une valeur en-soi, absolue ; il est posé comme ontologiquement antérieur au groupe. Si son identité reste inévitablement pré-déterminée par des facteurs externes objectifs, la société doit lui donner la possibilité effective et respecter sa liberté de définir lui-même son identité.
Le mouvement trans, et plus largement le mouvement LGBTQI+, s'inscrit parfaitement dans la logique profonde de la modernité. La personne trans définit elle-même son identité de genre. L'assignation d'un genre à la naissance en fonction du sexe biologique méconnaît que l'individu est potentiellement toujours au-delà de toute assignation. Son être n'a pas l'identité fixe d'une chose, il épouse les aspirations et les aléas de son désir d'être. C'est pourquoi le choix désirant de l'individu n'a pas à se soumettre aux limitations factices de la différence sexuelle. Il n'a pas à se plier au « ou bien... ou bien » du binarisme. Il peut librement circuler d'un sexe à l'autre, revendiquer l'appartenance simultanée ou successive aux deux sexes.
On observe une évolution à l'intérieur des mouvements de la trans-identité. Il y a la transition classique, « traditionnelle », le passage d'un sexe à l'autre via un traitement hormonal et une intervention chirurgicale. Cette transition est structurée par le binarisme ; la distinction homme / femme reste déterminée par la disjonction exclusive : soit l'un, soit l'autre. Cette transition classique (lourde) cède aujourd'hui la place – notamment dans le milieu adolescent, où elle devient un véritable « phénomène de société » – à un autre style de transition, plus light, qu'on pourrait nommer « transition déclarative ». Le genre est décidé exclusivement par ce que le sujet déclare être, ce qui rend possible à la fois d'incessants déplacements identitaires dans l'espace symbolique de la différence sexuelle, et des manières extrêmement personnelles, singulières, d'investir subjectivement le genre « déclaré » (aussi bien au niveau des vêtements que des marques distinctives de l'identité sexuelle). La différence sexuelle n'est pas vraiment niée, elle se négocie sur la base d'un continuum entre les bornes extrêmes du Masculin et du Féminin, ce qui donne lieu à la fluidité du genre.
Un certain nombre de psychanalystes condamnent ces mouvements de la trans-identité en s'autorisant de la psychanalyse. Ils les condamnent sur le plan collectif, les interprétant comme un symptôme de décadence voire de disparition de la civilisation. Ils les condamnent sur le plan individuel, en pathologisant les sujets trans. Voici quelques échantillons de cette pathologisation : castration forclose comme symbolique qui réapparaît comme réelle ; défaillance de la reconnaissance de l'ordre symbolique ; défense contre des angoisses psychotiques de morcellement ; tentative d'unification et de complétude imaginaire à la suite d'une défaillance du stade du miroir...[1] Il est patent qu'à travers ces formules étiologiques ces analystes se placent eux-mêmes dans une position médicale, qu'ils s'expriment en experts de la santé psychique, en spécialistes de la sexualité acceptable. Mais ils ne le font pas au nom de la médecine ou d'une idéologie politique ou religieuse ; c'est à l'aide des concepts psychanalytiques qu'ils pathologisent les trans. Du coup, ils jettent la suspicion sinon le discrédit sur ces concepts : ne seraient-ils pas intrinsèquement normatifs ? La conceptualisation analytique ne serait-elle pas finalement tributaire d'une vision du monde implicite, complice de la pensée straight ? De même, lorsqu'ils voient dans la trans-identité – en compagnie de l'homoparentalité et de la PMA – un symptôme du règne actuel de la toute-puissance de l'individu, ou lorsqu'ils reprochent aux personnes trans de ne pas reconnaître la pérennité (pérennité signifiant ici ce qui traverse les ans mais aussi ce qui provient du Père) de l'ordre symbolique, de l'appréhender comme une contrainte, une coercition dont il faut s'affranchir, ne tournent-ils pas littéralement le dos à la logique de la modernité ? Ne se comportent-ils pas, consciemment ou non, en réactionnaires ? Comme si ce qu'ils invoquent comme l'ordre symbolique était, sans jeu de mots, du même ordre que cet ordre mythique sacralisé que les sociétés traditionnelles avaient à cœur, de façon vitale, de préserver en le pérennisant. Comme s'il fallait, pour conjurer le spectre effrayant de la « toute-puissance de l'individu », revenir au holisme des sociétés traditionnelles. Certains du reste l'écrivent noir sur blanc, sans peut-être, il faut l'espérer, mesurer tout à fait la portée de ce qu'ils disent :
« C'est en cela que cette question du genre est pour moi paradigmatique de notre société devenue une société des individus, une société construite à partir de l'individu lui-même, et non plus une société où chacun occupe la place qui lui a été donnée parce que la société est reconnue comme précédant chacun de ses membres. Une société où le Nous n'est plus au départ du Je, mais où le Nous ne devrait plus être que la conséquence du « vivre ensemble » des différents Je. »[2].
Ces psychanalystes qui pathologisent les trans n'agitent pas forcément l'épouvantail de l'effondrement de la culture. Mais tous ont en commun de transformer, volens nolens, la psychanalyse en discipline transphobe, et la cure en processus insidieux de normalisation psycho-sexuelle. Quel trans serait assez fou pour entrer en analyse, s'il subodore que l'analyste, sous le masque de sa neutralité bienveillante, pense secrètement que son orientation (sa désorientation) sexuelle est la conséquence d'un quelconque « accident » ou « raté » dans l'histoire de son développement, accident et raté circonscrits d'avance – aux nuances près concédées à l'irréductible singularité du cas – par la théorie ?
Dans ce qu'on peut appeler « le camp d'en face », tant la confrontation est rude, on trouve les psychanalystes qui veulent à tout prix éviter de stigmatiser les trans et autres représentants des minorités sexuelles. On ne peut qu'approuver leur attitude ; comme le dit l'un d'entre eux, elle est profondément éthique, visant à « rendre un plus grand nombre de vies vivables. »[3] Dans ce souci de ne pas pathologiser, éventuellement à leur corps défendant, les personnes trans, ces psychanalystes préconisent de renouveler la psychanalyse, en la faisant dialoguer avec les études queer et les mouvements trans, avec les pensées du genre qui les sous-tendent et les légitiment. Ils préconisent de remettre la psychanalyse en mouvement, à la faveur d'une rencontre avec l'expérience trans, expérience indissolublement érotique et politique. Rencontre dont la psychanalyse ne sortirait pas intacte, où elle se laisserait instruire par le savoir trans, au lieu de l'interpréter à partir de son propre savoir fossilisé, malgré ses raffinements, en idéologie normalisante.
Le projet d'une rencontre entre la psychanalyse et le phénomène trans – l'une et l'autre considérés comme l'articulation incessante entre praxis et théorie, expérience clinique et élaboration conceptuelle – coïncide pleinement avec trois de nos quatre objectifs : Expérimenter, Déconstruire, Réinventer. Ce projet est à nos yeux encore largement en chantier, et le Collectif Lillois de Psychanalyse compte bien y prendre sa part. En tant qu'espace d'expérimentation dans lequel il s'agit de déconstruire le donné pour mieux inventer du nouveau, le Collectif ouvre la possibilité de peser sur l'avenir de la psychanalyse.
Je voudrais pour conclure évoquer les quelques principes qui définissent ce qui nous semble une position juste pour aborder cette rencontre entre la psychanalyse et la trans-identité.
Tout d'abord, d'accord pour balayer devant notre porte. D'accord pour la critique et l'auto-critique. D'accord pour traquer les topoï de la « doctrine » analytique qui contiennent des ferments plus ou moins explicites de transphobie, homophobie, hétéro-normativité, voire de pouvoir patriarcal ou même d'occidentalo-centrisme. Par exemple du côté de l’œdipe, conçu comme épreuve canonique censée déterminer une structuration psycho-sexuelle universelle et normative. Ou de l'entente encore « naïve » de la différence sexuelle, toujours empreinte d'une prégnance naturaliste et intangible, malgré sa transposition lacanienne dans le registre du symbolique.
D'accord aussi pour ré-inventer la psychanalyse – c'est l'une des raisons d'être du Collectif – non pas en la mettant au goût du jour, mais en la (re)mettant de plein pied avec notre époque. Depuis l'invention de la psychanalyse à l'aube du vingtième siècle, depuis sa reprise lacanienne à la fin du même siècle, de l'eau a coulé sous les ponts. Nous sommes passés de l'individu moderne – que nous avons croisé tout à l'heure – à l'hyper-individu de la post-modernité. Nous sommes passés de la famille nucléaire bourgeoise à la famille recomposée et à l'homoparentalité. Sans parler de la « libération sexuelle », si difficile à déchiffrer, comme est difficile à démêler le rôle qu'y a effectivement joué la psychanalyse, ce dont témoigne le livre de Foucault, La volonté de savoir. Sans parler des bouleversements qui touchent les voies de la procréation et de la gestation... et bien d'autres bouleversements, qu'il serait trop long d'énumérer. Au total, il est impossible que tous ces changements venus du Dehors n'affectent pas la clinique et l'expérience analytiques. La psychanalyse ne peut pas s'enfermer dans sa tour d'ivoire et les ignorer ; si elle ne veut pas disparaître, tomber dans les oubliettes de l'histoire – surgit de nouveau l'angoisse de l'effondrement, le cauchemar d'un monde qui en aurait fini avec la psychanalyse – si la psychanalyse ne veut pas disparaître, elle doit se transformer sans se trahir. La rencontre avec le phénomène trans est un terrain privilégié pour relever le défi.
Se transformer, donc, mais sans se trahir. Ce qui implique d'apporter quelques nuances aux deux principes qui viennent d'être invoqués.
Se prémunir contre les germes de la transphobie n'équivaut pas à faire preuve de complaisance ni à se laisser duper. Trop souvent, les analystes qui enjoignent la psychanalyse de se laisser instruire par les pensées du genre et de la trans-identité, se comportent comme s'ils étaient sous l'influence d'un sentiment de culpabilité qui les entraîne à abdiquer tout esprit critique. S'ils perçoivent à juste titre ce qu'a de légitime la violence des critiques que les mouvements LGBTQI+ adressent à la psychanalyse, ils semblent rester aveugles à un autre aspect de cette violence. Disons pour aller vite à la complicité qu'elle entretient avec la résistance, au sens que Freud a donné à ce mot. Et ce n'est pas être transphobe que de pointer cette résistance.
Nul n'est tenu d'entrer en analyse. Mais y entrer requiert un consentement : celui de se déprendre des mirages de l'identité, de se laisser progressivement dessaisir des certitudes identitaires ressassées par le discours du Moi. Consentir à se perdre en lâchant les amarres de la parole, en laissant poindre des paroles balbutiantes, obscures, qui ne viennent pas du Moi, qui demandent à être déchiffrées. Suivre à la trace l'énigme de son désir à travers ce déchiffrement...
La psychanalyse a tout à gagner à se laisser instruire par l'expérience trans. Mais pas au prix du malentendu qui consiste à poser que l'expérience trans devrait être prise pour argent comptant telle qu'elle se donne à elle-même et aux autres dans la passion identitaire qui lui tiendrait lieu de désir.
Le poète disait..., de Robert Schumann (Claire Galo-Place)
… Post-scriptum
Nous l’avions dit il y un an et nous le répétons aujourd’hui, le Collectif Lillois de Psychanalyse est le nom d’un acte. Or, l’acte n’est pas l’action. Il est sans sujet ni programme, sans retour ni secours et s’il se fait sans conscience il n’est pas sans inconscient, si bien qu’il entre dans la catégorie de ces choses dont on peut dire seulement dans l’après-coup : « il a eu lieu ! ». Alors que nous disposons désormais d’un peu de recul, pouvons-nous répondre à la question : cet acte a-t-il eu lieu ?
Un tableau se dessine de nos discours entrecroisés. Il est le suivant : le Collectif Lillois de Psychanalyse est un lieu expérimental dans lequel on tente de déconstruire pour mieux réinventer tout en cherchant à diffuser. Reprenons chacun des termes composant l’équation. Un lieu expérimental ? Il l’est en effet dans la mesure où il se veut un site immersif dans lequel les animateurs, de même que les spectateurs qui œuvrent aussi à l’événement, ont pour visée commune de « faire une expérience ». Et dans ce lieu que fait-on ? On déconstruit à tour de bras des frontières trop nettes pour être honnêtes, entre art et psychanalyse, pratique et théorie, individu et collectif, non pour les effacer d’un coup de brosse à reluire mais pour les réinventer grâce à l’intervalle ainsi ouvert à un devenir art de la psychanalyse et à un devenir psychanalyse de l’art. Quant à diffuser, y-a-t-il plus bel exemple que cette rencontre dont le but est justement de faire savoir là où nous en sommes. Expérimenter, déconstruire, réinventer, diffuser, quatre verbes pour autant d’agir, soit les objets que se donne le Collectif tels que consignés au sein de ses statuts.
Il se trouve qu’en étant au plus près de notre projet nous sommes également au plus près de l’époque. La post-modernité dans laquelle nous baignons vante, en effet, l’expérience plutôt que le débat d’idées, la fluidité plutôt que la fixité, le performatif plutôt que l’apathie du constat, le « faire savoir » plutôt que le retrait ascétique. Le Collectif Lillois de Psychanalyse est bien le fruit de son temps non seulement parce qu’il en reprend les codes et les usages mais aussi parce qu’il en est l’exemplaire symptomatique. Or c’est dans la mesure où il en est le rejeton qu’il acquiert une puissance d’action et un pouvoir d’agir. Mais pour faire quoi ? Pour mettre et remettre au travail le désir de l’analyste, non selon la modalité abstraite d’une réflexion mais selon celle, concrète, d’une incessante répétition d’un saut. Mille fois nous empruntons le même sentier, mille fois nous creusons le même sillon, mille fois nous enjambons le même ruisseau, nous persistons et nous signons car nous ne perdons pas de vue notre objectif qui est double : réaffirmer en répétant et réinventer en reconfigurant. Soyons plus précis : réaffirmer le désir freudien en répétant l’acte inaugural de Freud — ce qui, outre de nous inscrire dans une filiation qui se tisse autour d’un geste répété et non d’une identité partagée, démontre secondairement qu’il est vain, et même contraire à l’esprit de la psychanalyse, de vouloir l’installer et donc l’institutionnaliser en la certifiant, par exemple, d’utilité publique comme s’est empressée de le faire une certaine école de la Cause, le sort de la psychanalyse, tragique diront certains salutaire dirons-nous, étant son absolu précarité à tel point que rien vraiment rien ne la garantit sinon la sempiternelle répétition de son acte premier dans une parole qui est parole de foi. Réaffirmer en répétant mais aussi réinventer la psychanalyse en reconfigurant sa matrice car il ne s’agit pas de reproduire naïvement un geste, ce qui ceci dit est déjà beaucoup, mais de le saisir en le répétant, à savoir : de le scander. C’est à travers cette scansion, qui est à la fois la coupure d’un arrêt et l’orientation d’un heurt, qu’une saisie, au triple sens d’une capture, d’un enregistrement et d’une signification, est obtenue mais aussi qu’un changement d’orientation inopinée est provoqué. En instaurant cette « Rencontre annuelle » qui en appelle bien d’autres, nous tentons de scander le mouvement collectif dans lequel nous sommes embarqués afin d’en capter le réel, d’en graver les données et d’en dévoiler le sens, afin aussi de forer d’autres lignes de fuite, la question étant désormais, et nous vous la posons mi-solennellement mi-rieusement : est-ce une ponctuation heureuse ?
Le Carnaval de Venise, de Godefroid (Claire Galo-Place)
[1] Exemples repris textuellement de Laurie Laufer, Vers une psychanalyse émancipée ; p. 205.
[2] Charles Melman et Jean-Pierre Lebrun, La dysphorie du genre – A quoi se tenir pour ne pas glisser ? p. 68. C'est Lebrun qui parle.
[3] Fabrice Bourlez, Queer psychanalyse (quatrième de couverture).
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